vendredi 19 avril 2024

Signalement stratégique dans le Golfe de Gascogne


La frégate multimissions Aquitaine et un sous-marin nucléaire d'attaque de classe Suffren de la Marine Nationale ont mené, avec succès, une double frappe vers la terre ce jeudi 18 avril. Cet exercice de tir, inédit, a été réalisé au centre d'essais des Landes 

📸 Marine Nationale / DGA


Les exercices de tir au large des Landes étant notifiés à l'avance, et largement surveillés par les passionnés (et vous le devinez, par d'autres..), nous savions qu'il fallait s'attendre à une annonce en cette fin de semaine.
Chose faite, ce jeudi 18 avril en milieu d'après-midi, quand la Marine Nationale et la Direction générale de l'armement (DGA) ont communiqué, de façon conjointe et parallèle, sur un tir de missiles de la mer… vers la terre. Au centre DGA "Essais de missiles" des Landes, c'est souvent le contraire !  

Mais le caractère inédit de ce tir vient du fait qu'il s'agit en fait d'un double tir, en effet réalisé d'une part par la FREMM Aquitaine, et d'autre part par un SNA de type Suffren (désormais deux en service). La côte Atlantique a ainsi vu le premier double tir simultané d’entraînement du missile de croisière naval MdCN.

La cible a été atteinte simultanément par les deux missiles, comme le prouve une des superbes -et rares- photos diffusées. Profitons en, ce n'est pas si souvent que la communication est si rapide et généreuse en images !

La Marine précise que les deux équipages ont mené une séquence de tir coordonnée particulièrement complexe, dans des conditions matérielles et humaines identiques à celles qui peuvent être rencontrées en opérations : ils confirment ainsi la capacité pour la Marine de synchroniser des frappes terrestres dans la profondeur et ce, dans un contexte opérationnel.
Le MdCN du fabriquant MBDA est mis en œuvre depuis une FREMM ou un SNA de type Suffren, le missile de croisière naval permet d’atteindre depuis la mer et avec une précision métrique, des cibles situées en profondeur sur un territoire adverse (portée estimée >1000 km). Il permet ainsi aux forces navales de soutenir une action aéroterrestre.

En cette période de bouleversement(s) stratégique(s), où jamais autant de missiles n'auront été tirés, et cela sur plusieurs théâtres simultanément, la Marine engrange à toute vitesse une précieuse expérience opérationnelle. Je fais évidemment mention ici de la mission de protection du trafic maritime en Mer Rouge, face la menace des drones et missiles houthis, ou des missiles Aster de défense aérienne sont tirés en conditions bien réelles de combat.
Mais dans le cas de notre exercice mer-terre du 18 avril dans le Golfe de Gascogne, et surtout dans ce contexte de tensions internationales extrêmes, il faut également ajouter le "signalement stratégique" que cela représente, la France faisant partie de ces rares puissances à pouvoir mener de telles opérations combinées, loin de ses bases. 

Un bémol cependant: il faudrait plus de navires (et donc davantage de tubes de lancement), et plus de missiles. 







mercredi 17 avril 2024

Spécialiste de l'action en orbite, Aerospace Lab France devient Agena Space


Implantée à Mérignac depuis 2022, la start up du new space Aerospace Lab devient Agena Space. Elle entend profiter de l'écosystème aquitain pour s'imposer sur un segment très particulier qu'est celui de l'action dans l'espace, au profit de la défense. 

Aerospace Lab, start-up belge spécialiste -civil- du satellite, s'était faite remarquer à l'automne 2022, lorsque l'entreprise, s'entourant de quelques fortes têtes du spatial français (Ex-OTAN, armée de l'Air, Arianespace, Ariane Group), implantait son centre R&D à Bordeaux dans le but d'y développer le volet militaire de son activité.

Nous voilà donc au printemps 2024, et Aerospace Lab France (20 salariés) affirme son identité en changeant de nom, pour prendre celui d'Agena Space. Un changement qui intervient dans un moment où l'entreprise, qui vise deux activités, l'observation de la Terre et la mobilité dans l'espace (pour la protection des satellites "européens"), va débuter les tests en orbite.

Dans une démarche très "new space" américain, Agena Space vise des développements rapides (18 mois), et une réduction des coûts drastique (par 10 !), entendant miser sur des solutions, innovantes et développées en interne, touchant à la propulsion chimique des satellites, à base de peroxyde d’hydrogène (H2O2). 

Agena Space collabore aussi pour ses essais moteur avec Isae-Ensma, l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace de Poitiers, ainsi qu'avec le LaBRI (Laboratoire bordelais de recherche en informatique) pour la partie robotique spatiale.

Il est question d'une production de quelques satellites à court terme à Bordeaux (moins d'une dizaine). Le premier client pourrait être, on le suppose, le Commandement de l'Espace.


Communiqué:

AGENA SPACE SAS : Une nouvelle ère pour la propulsion chimique en France. 
Un nouveau chapitre s'ouvre avec l'évolution d'AEROSPACELAB SAS. 
Bordeaux, le 16 avril 2024 : AEROSPACELAB SAS devient AGENA SPACE SAS et annonce un tournant majeur dans son engagement dans la propulsion chimique. Dirigée par Pierre Guy AMAND et le Général (2S) Jean-Daniel Testé , cette entreprise française innovante accélère son développement au cœur de la Nouvelle Aquitaine. 
Propulsion orbitale chimique, opérations spatiales et services orbitaux au cœur de l'innovation. 
AGENA SPACE oriente sa vision vers l'avenir avec un portefeuille de produits axé sur la propulsion chimique, l'action dans l'espace et les services orbitaux. Le général (2S) Jean-Daniel Testé souligne l'importance cruciale de la propulsion chimique : "C'est une composante essentielle des nouvelles activités spatiales, qu'elles soient civiles comme les services orbitaux ou militaires comme les manœuvres d'approche et de proximité. Forts de ce constat, nous sont fiers d'accompagner les développements exceptionnels menés en région Nouvelle Aquitaine depuis près d'un an avec l'aide d'une équipe jeune et innovante, composée d'architectes, d'experts de premier plan et d'ingénieurs." 
AGENA SPACE constitue le pôle d'excellence européen en propulsion chimique, services orbitaux. et l'action dans l'espace. Pierre-Guy Amand évoque une ambition essentielle à la souveraineté nationale dans ce domaine. Il souligne : « Depuis près d'un an, notre équipe travaille sur la propulsion liquide et a franchi des étapes de développement records dans le but de commercialiser à court terme notre première famille de produits. Notre ambition est essentielle à la souveraineté nationale dans ce domaine. dans ce domaine, nous allons donc redoubler d'efforts avec le soutien de la Région Nouvelle Aquitaine et du CNES pour atteindre nos objectifs." 
AGENA SPACE marque ainsi le début d’une nouvelle ère prometteuse pour l’industrie spatiale française, avec un engagement sans faille en faveur de l’innovation, de la souveraineté nationale et de l’exploration spatiale.

Le lien ci-dessous permet d'accéder à une intervention de 20 minutes du Président d'Agena Space, Pierre-Guy Amand :

 

vendredi 12 avril 2024

Macron chez Eurenco Bergerac - "L'économie de guerre crée de la richesse"


Comme annoncé, le Président de la République était bien présent ce 11 avril sur le site d'Eurenco Bergerac, où il a posé la première pierre des nouvelles installations qui permettront la production de 1 800 tonnes de poudre par an d'ici 2026. Un déplacement à vocation plus large, puisqu'il était aussi question de faire le point sur la fameuse "économie de guerre".

Images: Eurenco/Elysée.


On a déjà tout dit ou presque, sur ce blog, sur le renouveau d'Eurenco Bergerac, soudainement devenu depuis 2022 une pièce essentielle de la production de munitions d'artillerie française et européenne (à lui seul, environ 10% de la production continentale de poudre à terme ?). Cela dit, Eurenco était une nouvelle fois dans la lumière ce 11 avril, faisant partie d'une séquence "économie de guerre" qui se poursuit… et devrait continuer de se poursuivre, les projecteurs se tournant cette fois vers un autre champion de la munition: MBDA. Mais nous en reparlerons.  

Lire sur le blog: Les yeux de l'Europe sur Eurenco Bergerac



Emmanuel Macron était donc ce jeudi à Bergerac pour poser la première pierre des futurs bâtiments de production de poudre, élément essentiel dont la pénurie est mondiale. 60 millions d'euros d'investissements, en partie soutenus par l'UE, et 15 bâtiments qui permettront la production de 1 200 à  1 800 tonnes de poudre (production multipliée par 10). L'entreprise va aussi embaucher, passant d'ici deux ans de 250 à 450 employés. 
Pour l'ensemble des chiffres, notamment ceux concernant les charges modulaires pour obus de 155mm (canon Caesar), voir le lien vers l'article ci-dessus.

Une charge modulaire, c'est ça.


Mais si Bergerac avait été choisi comme lieu "emblématique", érigé en modèle*, de cette journée consacrée à l'économie de guerre, c'était également dans le but de réunir autour du Président de la République plusieurs responsables, dont des capitaines d'industrie. Le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des Armées, et le DGA Emmanuel Chiva accompagnaient les ministres Lecornu (Armées) et Lemaire (Economie), à la rencontre des PDG d'un nombre assez impressionnant de grands groupes de la BITD: Aubert et Duval, Dassault Aviation, Eurenco, KNDS France, MBDA, Naval Group, Roxel,  et Thales (absence d'Airbus et de Safran). Logistique d'ailleurs compliquée pour Bergerac et son tout petit aéroport !

Une réunion de travail sur les "pourquoi ? quand ? comment ? qui paye ?" d'où Emmanuel Macron est ressorti afin de s'exprimer durant une quinzaine de minutes devant les médias (vidéo ci-dessous), confirmant que la situation géopolitique globale inscrivait la tendance actuelle en matière de production d'armement dans la durée: « Nous sommes partis durablement pour nous installer dans un changement géopolitique, géostratégique où les industries de défense vont avoir un rôle croissant. » (...) « Le monde dont nous parlons, il ne s'arrêtera pas si demain la guerre se termine, parce qu'il y a un réarmement massif [...] de la Russie et parce que vous voyez partout en Europe les dépenses militaires, les commandes augmenter. »

Sur la question de déficit public, le Président a surtout rappelé qu'aucune remise en cause de la Loi de programmation militaire (413 milliards d'euros sur la période 2024-2030) n'était prévue, et que les engagements seraient tenus, tout comme ils l'ont toujours été en matière de défense depuis son élection en 2017. 
Rappelant que « l'économie de guerre créée de la richesse », ce qui est fondamentalement juste, puisque la BITD française s'avère largement rentable pour l'Etat, Emmanuel Macron s'avoue convaincu que cet effort se traduira, au delà du soutien nécessaire à l'Ukraine, par de nouveaux succès à l'export.


Déclaration du Président Emmanuel Macron depuis l'usine Eurenco à Bergerac (11/10/24):



*qui l'eut cru quand nous évoquions déjà sur ce blog les actualités de ce petit site de Dordogne, il y a plusieurs années !


lundi 8 avril 2024

En images, l'exercice VOLFA 2024 de l'armée de l'Air et de l'Espace


Le 28 mars s'est achevée l'édition 2024 de l'exercice multinational VOLFA de l'armée de l'Air et de l'Espace. Réunis à Mont-de-Marsan pendant presque tout le mois de mars, Français, Espagnol, Grecs ou encore Britanniques se sont entrainés à la haute intensité avec, cette année, une attention toute particulière portée au soutien des opérations terrestres.

Source & images: Commandement territorial de l'armée de l'Air et de l'Espace.


Alors que les forces aériennes stratégiques enchaînent les exercices "Poker" (avec fort parfum de guerre électronique), les forces dites conventionnelles se rassemblaient elles au mois de mars à Mont-de-Marsan, durant trois semaines, pour le grand exercice annuel VOLFA.
1 000 participants et 50 aéronefs, tout de même, issus de plusieurs pays alliés (Royaume-Uni, Canada, Grèce, Italie, Espagne), ainsi que des trois armées françaises, puisque la Marine et l'armée de Terre venaient manœuvrer aux côtés de l'armée de l'Air et de l'Espace, dont le Commandement territorial (CTAAE) dirigeait l'ensemble depuis la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan. 

Au bilan, VOLFA "24" aura donné lieu à une vingtaine de raids aériens complexes (soit 500 sorties), en interalliés, répartis sur un théâtre couvrant la France, l'Espagne, et toute la façade Atlantique. Une grande partie des missions couvrant des opérations terrestres, ce sont notamment des hélicoptères du 1er RHC qui ont mené une attaque dans le nord-est de la France, "par une combinaison chasse/hélicos, sur objectif à haute valeur ajoutée"

A peu près tout ce qui vole dans l'armée de l'Air participait à l'exercice (même les Mirage, que l'on ne voit plus beaucoup dans le ciel du sud ouest, sauf durant ce mois d'avril à Cazaux !), ainsi que des Rafale de l'aéronavale. Marine qui ajoutait d'ailleurs également aux moyens de défense aérienne multicouche les capacités d'une FREMM. 

L'une des spécificités de VOLFA était également de faire s'affronter deux équipes, les « bleus » contre les « rouges », dans un univers alternatif inspiré de Star Wars. Cette symétrie entre ces adversaires d'un temps a permis d'élever le challenge. 
Pendant trois semaines, les participants ont ainsi investi les salles de briefing de la 30e escadre de chasse et de son célèbre régiment 2/30 «Normandie-Niemen», afin de planifier les missions -pouvant rassembler jusqu'à 20 chasseurs par équipe- qui les amenaient au dessus du Massif Central ou de l’océan Atlantique, traditionnels lieux d'entrainement au combat aérien en France. 

S'agissant des conditions de l'exercice, tout fut visiblement mis en avant cette année pour faire écho au conflit ukrainien, car forcément la presse n'a pas manqué de questionner l'armée de l'Air sur un potentiel déploiement en Ukraine, après les mots ambigus du Président de la République sur un possible engagement français. 
Mais dans les faits, il était précisément question de théâtre très contesté (tirs ennemis), d'environnement tactique dense avec troupes au sol, soumis à des brouillages (guerre électronique), des attaques cyber (systèmes rendus inopérants) et des contraintes spatiales (positionnement des satellites, activité solaire, etc.), le tout suivi en salle de contrôle grâce aux partages de données via liaison 16, et débriefé au retour des équipages grâce au logiciel TacView.

Au final, et plus que jamais, VOLFA aura permis en 2024 d'entrainer les équipages à un impressionnant panel de missions, allant de la supériorité aérienne à la projection de forces, en passant par la recherche et sauvetage au combat, le commandement et la conduite des opérations, la reconnaissance et surveillance, ou encore bien sûr la défense sol-air...


Parmi tous les clips diffusés, celui-ci est probablement le plus intéressant:




Et comme le veut la tradition, place aux images avec, en particulier, les invités remarqués que sont les Grecs -sur Rafale !- et les Espagnols -sur Super Hornet :